La CAN, en tant que compétition de grande envergure, constitue pour les différentes nations en lice, au-delà de la sphère sportive, un terrain d’influence privilégié. Le sport étant un levier géopolitique puissant. Dans le cadre de cette 34ème édition, le comité d’organisation de la CAF et la Côte d’Ivoire, pays hôte, misent gros sur les influenceurs africains les plus en vue. Du côté du Maroc, cette course d’influence, se traduit par la présence d’une énorme délégation médiatique «officielle» de plus de 140 journalistes et des dizaines de créateurs de contenus. Blogueurs, youtoubeurs, tiktokeurs, instagrameurs… cette CAN ivoirienne est celle des influenceurs! Seul hic : Le fait que des créateurs de contenu soient accrédités, en tant que journalistes professionnels, plombe l’ambiance et suscite des remous. L’Association internationale de la presse sportive s’indigne et appelle la CAF à respecter le règlement en vigueur.
Les journalistes sportifs couvrant la CAN 2023 sont en colère. Dans un communiqué incendiaire, l’Association internationale de la presse sportive (AIPS) -section Afrique-, affiche sa désapprobation quant à l’accréditation accordée par la CAF à des personnes étrangères à la corporation journalistique. Et de souligner que «l’accréditation presse est exclusivement réservée aux journalistes professionnels, clairement identifiés et affiliés à un média, ainsi qu’aux freelances». «Sont exclus de cette catégorie, l’ensemble des individus qui ne sont pas tenus par le respect du code de déontologie du journalisme : youtubeurs, influenceurs, facebookeurs, publicistes, lobbyistes… En général à la recherche du buzz, là où les journalistes professionnels font de l’information», est-il-précisé.
Il y a un avant et un après Coupe du monde 2022 pour les influenceurs marocains. Grâce à l’exploit historique du onze national au Qatar, ils ont explosé tous les compteurs. Forts des acquis de cette expérience, ils ont fait spécialement le déplacement en Côte d’Ivoire pour soutenir les Lions de l’Atlas dans le cadre de la CAN 2023. A en juger par les commentaires sur les réseaux sociaux, ils ont réussi à se faire une place de choix sur la toile ivoirienne. De quoi contribuer à l’enrichissement des relations exemplaires entre le Maroc et la Côte d’Ivoire. Les contenus postés reflètent l’esprit du vivre-ensemble et le respect mutuel entre les deux peuples frères.
Le ministre ivoirien du Tourisme, Siandou Fofana, a rendu hommage à l’influenceur marocain, Saber Chawni, dans le cadre d’une réception, organisée au sein de son ministère. «Merci ! On a suivi avec un grand intérêt vos publications qui nous ont d’ailleurs beaucoup touchées. Au nom du gouvernement ivoirien et principalement en mon nom, puisque c’est mon département qui est impacté par votre travail, vous nous avez marqué! Vous avez également renforcé l’amitié et la fraternité entre la Côte d’Ivoire et le Royaume du Maroc», a déclaré le ministre ivoirien du Tourisme.
En Afrique, le jeu et les enjeux de la CAN valent la peine d’être analysés sous la grille de la géopolitique. Déjà que cette 34ème édition permet de renforcer les liens avec la Côte d’Ivoire, un pays ami et frère du Maroc et de poursuivre tout le marketing, à travers des supporters devenus de réels ambassadeurs du royaume, dans ce sens, où ils innovent dans la création de bons contenus, mais aussi dans leurs qualités intrinsèques à être proches et sincères, touchant les gens partout où ils passent. Ils ont même fait un travail décalé ou d’un genre nouveau pour nous faire découvrir la Côte d’Ivoire et le peuple ivoirien sous un autre angle.
La télévision ivoirienne va à la rencontre des influenceurs présents à la CAN 2023. Les créateurs de contenus n’ont pas hésité à exprimer tout le bien qu’ils pensent du pays hôte, notamment en tant que destination touristique.
Postée, sous le titre «On va mourir…», une vidéo de l’influenceur marocain bat tous les records d’audience de cette CAN. Un contenu viral !
Ibrahim Moulay Bbi est parmi les influenceurs qui ont réussi à se faire remarquer à la CAN 2023, en partageant des vidéos, dans lesquelles, il exprime sa joie d’être en Côte d’Ivoire.
Qu’il soit youtuber, instagrameur, tiktokeur… un influenceur n’a pas droit à une accréditation de presse, parce que tout simplement, il n’est pas un journaliste professionnel. Le journalisme étant un métier encadré sur le plan légal. Comment expliquer qu’une institution réputée, comme la CAF, accrédite des créateurs de contenu, pour couvrir la CAN 2023, en tant que journalistes? La démarche a de quoi interpeller, voire susciter une vive indignation chez les professionnels de l’information. L’Association internationale de la presse sportive a raison d’exprimer son ras-le-bol. Ce genre de comportement peut être interprété, à juste titre, comme un manque de respect à la profession journalistique.
En déroulant le tapis rouge aux influenceurs, il est clair que le comité d’organisation de la CAN 2023 veut booster l’audience de la compétition et susciter l’engouement pour le pays hôte. La démarche est légitime. Et ça marche sur les internets! Mais pourquoi ouvrir les portes des points et des conférences de presse aux créateurs de contenu? Si pour tomber dans le ridicule, créer du buzz, plus précisément du bad buzz, au point que la presse sur place s’indigne, le pari est gagné !
Maintenant que les influenceurs sont les premiers à être chouchoutés, pour les bonnes et les mauvaises raisons, comment gérer les journalistes? Peu importe leur force de frappe, tout le monde, à commencer par les créateurs de contenu eux-mêmes, a besoin des médias pour légitimer et crédibiliser sa parole et sa communication. Les professionnels le savent, l’influence de l’éditorial journalistique n’a pas de prix. Les institutions doivent donner l’exemple : L’amateurisme et le mélange des genres peut être fatal. La presse a droit à un traitement qu’exige son statut. L’information, le respect du pluralisme des opinions, le décryptage, l’analyse… seuls les journalistes professionnels en sont capables. Les créateurs de contenus ont d’autres talents et compétences. Même s’ils sont invités à empiéter sur le terrain de la presse, ils doivent s’y opposer. Cela y va de leur crédibilité !
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