Accrochez-vous pour suivre le procès retentissant de l’année 2024! Deux puissants élus du Parti authenticité et modernité (PAM), Saïd Naciri et Abdenbi Bioui, partagent l’affiche de ce feuilleton, réunissant tous les ingrédients d’un blockbuster. Placés en détention provisoire, depuis le 22 décembre 2023, à la prison d’Oukacha, dans le cadre de l’affaire «Escobar du Sahara», aux côtés notamment de responsables de collectivités territoriales et d’agents d’autorité, les deux personnalités influentes doivent répondre à de lourdes accusations de trafic de drogue à l’international et d’abus de pouvoir. Cette procédure judiciaire impliquant directement deux élus de la nation, réputés d’être intouchables, intervient dans un timing particulier. Des dizaines de parlementaires, représentant plusieurs partis, sont poursuivis, condamnés et déchus de leurs sièges dans des affaires liées à la corruption et la dilapidation de deniers publics. La liste risque de s’allonger…
Dans l’affaire des poursuites judiciaires à l’encontre de deux personnalités influentes du PAM, Saïd Naciri, président du conseil préfectoral de Casablanca et patron du WAC, et Abdenbi Bioui, président du conseil de la région de l’Oriental, tout a commencé par les révélations du «Malien», l’un des plus gros barons de drogue opérant en Afrique. Celui que l’on nomme «Escobar du désert» avait purgé une peine d’emprisonnement en Mauritanie, avant d’être incarcéré en 2019, au Maroc. Tous les principaux faits qu’il faut connaître pour suivre ce procès qui s’annonce comme le feuilleton judiciaire de 2024.
Parti de rien, Abdenbi Bioui est devenu élu parlementaire et président de région, à la tête d’un véritable empire dans le secteur BTP. Sur la scène politique locale à Oujda, il était un parfait inconnu. Il n’a jamais milité dans un quelconque parti. Vu son statut de notable, il est coopté par le PAM pour faire rouler son tracteur aux élections législatives de 2011. Piètre orateur, dans une vidéo de candidature, il débite un discours laborieux, fait de promesses mirifiques, et appelle à «tourner la page des corrompus».
Elles sont rares les sorties médiatiques du tout puissant Saïd Naciri. La toute dernière interview de l’homme fort du PAM et président du Wydad de Casablanca, le 3 décembre 2023, fera date. Interpellé sur les mauvais résultats du club qu’il dirige d’une main de fer, depuis une dizaine d’années, le businessmen n’a pas hésité à déclarer : «Tout le Maroc sait que Saïd Naciri a un problème. Et ce problème pourrait avoir affecté le club, j’en suis conscient». Une déclaration qui intervient une vingtaine de jours avant sa détention provisoire dans le cadre de l’affaire «Escobar du Sahara».
Deux élus viennent de perdre leurs sièges de députés à la Chambre des représentants suite à une décision de la Cour constitutionnelle : Said Zaidi, président de la commune de Cherrat (PPS) et Abdelkader Boussairi, vice-président de la commune de Fès (USFP). Les deux parlementaires sont mis en cause dans des faits de corruption et de dilapidation des deniers publics. En décembre 2023, la Cour constitutionnelle a décidé de déchoir de leurs sièges Mohamed El Hidaoui, député du RNI (Safi) et Abdenbi El Aïdoudi, député du Mouvement populaire (Sidi Kacem).
La pression monte chez les députés de la deuxième Chambre du parlement. Et pour cause? La Cour constitutionnelle examine des faits reprochés à plusieurs membres de la Chambre des conseillers et incompatibles avec leur mission de représentants de la nation. On parle même d’une liste d’élus ayant notamment des démêlés avec la justice. Si lesdits conseillers sont reconnus coupables, ils seront déchus de leur mandat. Pour rappel, la déchéance de sièges parlementaires a été prononcée à l’encontre de plusieurs députés sous enquête judiciaire, incarcérés ou ayant purgé des peines de prison.
Une grosse affaire est à suivre, celle qui secoue la mairie de Fès, depuis l’été 2023. 14 personnes dont des élus, sont poursuivis devant la chambre des crimes et délits financiers. Parmi eux, figurent le maire Abdeslam El Bekkali (RNI), son adjoint Abdelkader Boussairi (USFP), destitué par le tribunal administratif, et le secrétaire du conseil communal Soufiane Idrissi (RNI). Récit de la dernière audience, tenue le 2 janvier 2024, marquée par les interventions des accusés. Le président de la Cour n’a pas hésité à titiller le maire, en l’invitant «à ne pas lire, mais plutôt à répondre spontanément».
«La présidence du conseil national du PAM, comme les autres militants et militantes du parti, a suivi les récents développements du dossier d’enquête mené contre deux ses membres, qui exercent en son nom des fonctions de direction de deux collectivités territoriales. Le conseil affirme que les militantes et militants du parti ne bénéficient d’aucun privilège et qu’ils restent avant tout des citoyens et citoyennes qui jouissent des mêmes droits et accomplissent les mêmes devoirs, tel est le cas du reste des citoyens et citoyennes. Une preuve davantage que le parti n’est un refuge pour personne et n’offre aucune protection contre l’application de la loi».
Tout ce beau monde de la politique, du business, du sport et des médias… s’attendait à boucler l’année 2023 en toute sérénité. Et… PAM! Une news explosive tombe! Saïd Naciri et Abdenbi Bioui, deux élus PAMistes et hommes d’affaires puissants, aux larges réseaux, et dont le parti siège au gouvernement, sont poursuivis, aux côtés de plus d’une vingtaine de personnes, pour de lourds chefs d’inculpation. Il est question de trafic de drogue à l’international, de faux et usage de faux, de blanchiment d’argent et d’abus de pouvoir. Un coup dur pour le PAM, qui a lâché rapidement ses deux poids lourds, suite à un communiqué du parquet, actant l’affaire. Pis encore, le scandale est retentissant pour l’ensemble de la classe politique, à commencer par la coalition gouvernementale.
Compte tenu de la gravité des accusations et du profil des élus poursuivis dans l’affaire «Escobar du Sahara», le verdict de la justice sera très attendu. Cette affaire vient pour confirmer des signes avant-coureurs d’une sérieuse prise en main des dossiers relatifs notamment à des actes de corruption, de malversations et de dilapidation de deniers publics, dans lesquels des élus, issus de plusieurs partis, sont impliqués. Résultat: Des parlementaires derrière les barreaux, des procès d’élus en cours, des condamnations prononcées et des retraits de sièges de députés.
Y aura-t-il un avant et un après, dans l’affaire «Escobar du Sahara», en termes de moralisation du champ politique marocain? C’est tout ce qu’on peut souhaiter. Et parce qu’il faut nommer les responsables, les partis politiques sont les premiers à être pointés du doigt. En obéissant à une visée purement électoraliste, le casting des élus fait émerger et entretient une caste de députés sans foi ni loi. Le danger est énorme pour le pays. De quoi saper tous les efforts en matière de bonne gouvernance.
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