L’hebdo #15 Le patronat fait monter la pression sur Akhannouch

Événement

LA CGEM FAIT MONTER LA PRESSION SUR AKHANNOUCH

De la tension dans l’air entre le patronat et le gouvernement. Tout a commencé le 15 décembre 2023. Invitant la presse pour partager son feedback sur la mouture finale de la loi de finances 2024, la CGEM, par la voix de son président, Chakib Alj, déclare que ce texte répond partiellement aux aspirations du secteur privé, tout en déplorant la lenteur des réformes. Les messages sont forts. Le 18 décembre 2023, au Parlement, le chef de l’Exécutif, Aziz Akhannouch, répond sèchement au patron des patrons, en énumérant tout ce qu’a fait son gouvernement, dans des délais rapides, en guise de soutien pour le secteur privé, et ce malgré un contexte difficile. Dernier acte : Au conseil d’administration de la CGEM, le 21 décembre 2023, le patron des patrons a tenté de calmer le jeu.

PRESSE
Desk

LENTEUR DES RÉFORMES

L’exaspération grandit dans les rangs du patronat. Et pour cause ? La lenteur des réformes promises. Le président de la CGEM fait état du non-respect des engagements pris par le gouvernement en ce qui concerne notamment le code du travail, la loi sur la grève, les faibles avancées en matière de simplification des procédures administratives et la gestion de l’informel. De quoi peser lourdement sur le moral des entreprises et des investisseurs.

Vidéo

PLUS D’AUDACE SVP !

«Nous aurions souhaité que cette loi de finances 2024 soit plus audacieuse et complète», déplore le président de la CGEM. Chakib Alj exprime ses inquiétudes quant à certaines mesures, telles que l’application d’une solidarité des dirigeants en matière de TVA, et les évolutions de taux de TVA ou de droits de douane sans consultation préalable avec les secteurs concernés. «Ces évolutions renvoient un message mitigé au monde de l’entreprise, et peuvent remettre en question des décisions d’investissement», alerte-t-il.

 

Dessin

SORTIE SURPRENANTE

La sortie de Chakib Alj est surprenante à plus d’un titre, à commencer par son ton et son timing. Quelle mouche a piqué le patron des patrons pour «retourner sa veste» contre le chef de gouvernement. D’autant qu’Akhannouch a été l’un des grands soutiens à la candidature du binôme Chakib Alj-Mehdi Tazi, lors des dernières élections de la CGEM (2020 et 2023). Pourquoi le patron des patrons a attendu la fin du processus d’approbation du budget 2024 pour faire exprimer sa déception à l’égard de la loi de finances?

Point de vue

AMNÉSIQUE LE PATRONAT ?

Les milliards de Dirhams alloués au soutien de l’entreprise, depuis deux ans, les mesures prises pour booster l’investissement du secteur privé, les dispositifs d’urgence pour les secteurs comme le transport et le tourisme, soutien pour la reprise post-covid, remboursement TVA, maintien des prix de l’électricité, commande publique… Tout ce que la CGEM semble avoir omis de citer. Étrange amnésie de la part des patrons.

Décryptage

LE MINISTRE DU BUDGET BOUDE LA CGEM

Invité à assister, le 21 décembre 2023, au conseil d’administration de la CGEM, aux côtés d’autres responsables, Fouzi Lekjaâ, ministre délégué chargé du Budget, s’est décommandé à la dernière minute. Motif avancé : Le contexte du débat actuel. La tension est à son comble. De quoi susciter beaucoup de réactions. C’est dire le niveau de mécontentement ressenti au sein de l’Exécutif, suite aux dernières déclarations critiques du président de la CGEM.

Desk

LE PATRON DES PATRONS S’EXPLIQUE

«Dans le cadre d’un débat démocratique, la CGEM émet des recommandations qui vont dans le sens de la construction d’un tissu économique fort susceptible de contribuer activement au momentum positif que traverse notre pays grâce au leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI (…)» , indique son président dans un communiqué publié à l’occasion de son conseil d’administration. «Ces recommandations n’ont en aucun cas vocation à discréditer le travail indéniable entrepris par le gouvernement en faveur du secteur privé», a-t-il précisé.

RADIO
Podcast

LES DESSOUS DU CLASH ALJ/AKHANNOUCH

Mohamed Douyeb, fondateur de L’hebdo, décode, aux côtés de l’universitaire Hicham El Bayad, les raisons et les enjeux de la tension entre la CGEM et le gouvernement.

ILS/ELLES ONT DIT …

CHEF DE GOUVERNEMENT

«Le gouvernement fait beaucoup pour le secteur privé. Nous n’avons pas été très lents. Nous avons été réactifs et rapides».

«La CGEM réitère son attachement au partenariat et au dialogue public-privé comme leviers d’atteinte des objectifs pour le bien et le progrès de notre pays. Notre confédération sera toujours, pour l’Exécutif, un partenaire franc, sincère, fiable et constructif».

«Nous avons été surpris par certaines dispositions, comme la solidarité des dirigeants en matière de TVA, mais pas seulement. Dans toutes les lois de finances, il y a des surprises. Ce n’est pas propre au Maroc. C’est là justement qu’intervient le Parlement».

BILLET

Les jeunes journalistes qui se bousculent pour couvrir les petits et grands événement de la CGEM doivent plonger un peu dans l’histoire de la vieille et puissante confédération patronale marocaine. À l’image des partis politiques et des syndicats, elle incarne l’évolution d’un certain Maroc. De mémoire de jeune journaliste -fin des années 90-, les rencontres de la CGEM étaient riches en débats de haute facture. Sans parler des off… le rapport patronat-presse était d’une autre nature. Le charisme, le franc-parler et l’audace des personnalités siégeant à la confédération donnait à cette organisation beaucoup de crédibilité et de prestige. Cible privilégiée de toutes les convoitises notamment politicienne, l’institution a résisté tant bien que mal. Pour faire son job, la CGEM a dû en découdre avec des Exécutifs de tous bords politiques et des administrations influentes dirigées par de grosses pointures. Certains présidents étaient maitres dans cet exercice, d’autres moyens voire faibles.

Le fait que les critiques acerbes du président actuel, Chakib Alj, connu par ses pairs pour être un homme sage, à l’encontre du gouvernement Akhannouch, suscite un tollé général, au point où le chef de l’Exécutif montre son agacement au Parlement et laisse même entendre une trahison, cela a de quoi interpeller. De là, à parler de crise! Une tension? Peut être… on verra bien. Et parce qu’il faut toujours revenir à l’histoire pour relativiser le jugement, il y a lieu de remonter au mandat de feu Abderrahim Lahjouji (1994-2000). Figure emblématique du monde des affaires, il a réussi à mobiliser le secteur privé pour faire face aux abus de la vaste campagne d’assainissement, menée d’une main de fer, par le puissant ministre de l’Intérieur de l’époque Driss Basri. Il fallait oser! Cette séquence était une véritable crise, à l’issue de laquelle, la CGEM s’en est sortie grandie.

Que le patronat critique le gouvernement, c’est une démarche normale et saine, à condition qu’il donne l’exemple en matière de respect de ses obligations. Que le chef de l’Exécutif se sent agressé, c’est son droit. Aligner la liste des «cadeaux» offerts au secteur privé en guise de recadrage, c’est de bonne guerre. Maintenant qu’Akhannouch soit allergique à toute forme d’opposition venant de la CGEM… c’est une autre histoire. Il faut garder à l’esprit que le gouvernement et le patronat sont appelés à travailler ensemble pour promouvoir le Maroc comme une destination où il fait bon d’investir. En tant que partenaire de choix, la CGEM a intérêt à retrouver une liberté de ton pour casser cette image de corporation lisse, entretenue, au fil des mandats, de la dernière décennie.

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