Nouveau cap géostratégique pour le Maroc. Dans son discours prononcé, le 6 novembre 2023, à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte, le roi Mohammed VI fait une grande annonce : « Mise à niveau du littoral incluant la façade atlantique du Sahara marocain, en s’attachant à ce que cet espace géopolitique fasse l’objet d’une structuration de portée africaine ». Cette façade atlantique est pensée pour être un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international. En lançant une telle initiative, le Maroc réaffirme sa grande ambition de se positionner, comme un acteur de poids sur l’échiquier de la géopolitique maritime mondiale, dont les enjeux d’influence d’aujourd’hui et de demain sont de taille.
Pour célébrer le 48e anniversaire de la Marche verte, le roi Mohammed VI fait le pari de l’avenir. Dans une allocution à la nation, le 6 novembre 2023, le souverain dévoile ses projets pour le fronton atlantique du Maroc. Rappelant l’attachement du royaume à son Sahara, dont il se félicite de « la consécration de sa marocanité à l’international », le roi se propose de faire de ce territoire la pierre angulaire de sa politique économique africaine. Ce qu’il faut retenir du discours royal.
Cet intérêt pour l’Afrique est le corollaire naturel du retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle, reflétant la vision du souverain qui inscrit la coopération Sud-Sud dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. Tous ces paramètres sont favorables pour la proposition présentée par le Maroc en vue de clore, définitivement, le dossier du Sahara marocain, sur la base d’une initiative réaliste qui apporte une solution durable à ce conflit artificiel. Le but ultime est de contribuer aux efforts visant à mettre la région du Sahara et du Sahel à l’abri des tensions, des conflits armés, du terrorisme, de la criminalité transfrontalière et de la traite des êtres humains.
L’approche royale pour le développement du littoral atlantique marocain, dans le cadre d’un projet global visant à renforcer l’ancrage du royaume dans son environnement africain, n’est pas nouvelle. C’est une vision portée par le souverain depuis plus d’une décennie et qui a pour ambition de créer un espace de progrès pour les pays de la bande atlantique de l’Afrique. Après des années de léthargie, le Processus des États africains atlantiques a été ressuscité, en juin 2022, sous un nouveau jour.
Dans son discours prononcé, à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte, le roi a rappelé la nécessité de préserver les valeurs fondatrices de cette initiative fédératrice. Le souverain a donné ses orientations pour que se poursuive la marche du développement aussi bien des provines du sud que de la coopération Sud-Sud sur la base d’approches novatrices avec comme objectifs fédérateurs le co-développement et l’intégration régionale.
Avec 23 pays, la façade atlantique africaine représente 46% de la population et 55% du PIB du continent. Pour des chercheurs et des analystes, cette zone maritime est au centre des futures rivalités Est-Ouest. D’où l’initiative marocaine d’y investir et d’en faire un nouvel espace d’influence dans sa politique internationale. Cette initiative ne tombe pas de nulle part. Depuis 2022, le Maroc a organisé trois réunions ministérielles du Processus des États africains atlantiques.
Le fait même que le roi Mohammed VI exprime une volonté aussi détaillée d’avancer vers une intégration atlantique, indique que le Maroc compte bien régler rapidement la question du Sahara. Cela signifie aussi que le Maroc cherche à se développer vers l’ouest et le sud mais exclu l’est, dont l’interface algérienne ne présente pas de perspectives possibles à ce stade.
Avec une façade de 3.000 km, l’océan Atlantique représente le plus vaste espace géographique le long des frontières marocaines. C’est aussi une ouverture sur quatre continents et une zone de trafic maritime dense et d’échanges commerciaux importants. L’Atlantique est une opportunité géostratégique considérable pour le Maroc.
C’est la première fois que le roi Mohammed VI étend la question du Sahara à l’arrière-pays continental et la place dans une logique de prospérité partagée avec les États intérieurs. Cela montre encore plus qu’avant la pensée africaine, atlantique, afro-atlantiste du roi Mohammed VI qui avait dit, voici presque dix ans déjà que « l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique ». Et dans l’Histoire, le Maroc a toujours été plus africain que méditerranéen.
« L’océan Atlantique a toujours constitué un levier géopolitique majeur pour la Maroc. Il représente l’ouverture sur le grand large, la protection du territoire, la surveillance du littoral, la consolidation des routes commerciales, les contacts diplomatiques développés. Cette politique a notamment été développée et accentuée par le Sultan Mohammed Ibn Abdillah (Mohammed III) ».
« Le Maroc renforce continuellement ses options et alternatives pour élargir son rôle en tant que pays africain de premier plan. Il enrichit les interactions et les liens entre le Cap Spartel et le Cap de Bonne Espérance, une région qui représente 55% du PIB de l’Afrique et 57% du commerce intra-africain ».
« Le Maroc, instruit de ces profondes mutations géoéconomiques et géopolitiques, a pris l’initiative de proposer à ses partenaires africains bordés par l’océan Atlantique de prendre le train en marche afin de ne pas rater cette nouvelle opportunité et fédérer leurs moyens pour la construction d’un nouvel ensemble économique significatif dégageant stabilité, richesse et prospérité ».
« Qui tient la mer, tient le monde ». Cette célèbre formule d’un navigateur anglais (*) résume, à elle seule, la dimension maritime des grandes puissances du monde contemporain. Étant le pionnier et la référence dans ce domaine, le Royaume-Uni a servi d’inspiration le reste du monde. Le cas des États-Unis, première puissance navale, est frappant. Face à la suprématie américaine sur les mers, l’Union européenne tente de réduire l’énorme gap qui la sépare du pays de l’Oncle Sam. La Chine est le nouveau acteur de poids, avec lequel il faudra compter à l’avenir dans cette nouvelle configuration des rapports de force sur le terrain de la géopolitique maritime. Le cas aussi pour la Russie qui cherche à rattraper son retard. Fait intéressant, le Sud aspire à créer plus de valeur en tirant profit des routes maritimes.
Tout le monde le sait, le 21ème siècle sera maritime. Quelle est la place que veut occuper le Maroc dans ce nouveau monde ? Petit rappel historique : Le Maroc était une thalassocratie sur l’Atlantique au 17ème siècle. Le discours royal, prononcé à l’occasion de la célébration du 48ème anniversaire de la Marche verte, acte, une fois pour toute, la grande ambition du Maroc. Le constat du souverain est sans appel :
«Si, par sa façade méditerranéenne, le Maroc est solidement arrimé à l’Europe, son versant atlantique lui ouvre, quant à lui, un accès complet sur l’Afrique et une fenêtre sur l’espace américain ». Une annonce royale forte, celle de faire de la façade atlantique du Sahara marocain la base d’un zone géopolitique de portée africaine. Au menu, des projets d’envergure notamment d’infrastructures dans les provinces du sud et la constitution d’une flotte nationale. Quid des ressources ? La consolidation de la prospection des ressources offshore, l’investissement continu dans la pêche maritime, le dessalement de l’eau de mer, l’encouragement de l’économie bleue, le soutien aux énergies renouvelables et le développement du tourisme atlantique.
C’est donc un véritable plan Marshall marocain dédié à la façade atlantique de l’Afrique. Le projet du gazoduc Maroc-Nigéria en est un levier-clé. Les impacts d’une telle initiative aux niveaux régional, continental et international sont immenses.
Fidèle sa méthode, le royaume privilégie une collaboration étroite avec les principaux pays concernés avec la ferme volonté de favoriser l’accès des États du Sahel, confrontés à de graves défis, à l’océan Atlantique, à travers le lancement d’une initiative à l’échelle internationale.
(*) Walter Raleigh, officier et explorateur anglais (1552-1618).
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