10 newsletters déjà ! Hasard du calendrier, notre 10ème livraison tombe dans une semaine marquée par deux événements fort symboliques, à savoir la commémoration de la fête de l’indépendance (18 novembre) et la célébration de Journée nationale de l’information (15 novembre). L’occasion de rendre un vibrant hommage aux héros de la résistance, dont faisaient partie des journalistes. La presse marocaine a été de tous les grands combats, à commencer par la lutte pour la liberté, le pluralisme politique et la construction démocratique. Quand on sait la valeur de l’information, comme facteur-clé de développement, et la profonde crise que traverse le secteur des médias, il est urgent de penser à un Nouveau modèle médiatique national. Le momentum est favorable pour l’initiation de réformes profondes favorisant la pratique d’un journalisme de qualité, la confiance du public, la protection du marché national et l’intérêt des investisseurs privés.
Si le 18 novembre 1956 inaugurait une ère nouvelle pour le Maroc libre, le 18 novembre 1959 traduisait la volonté du pays qui, trois années seulement après avoir recouvré son indépendance, a soutenu la création d’une agence de presse indépendante baptisée Maghreb arabe presse (MAP). Feu Mohammed V avait appelé ses fondateurs, à leur tête feu Mehdi Benouna, à respecter une règle :
« l’information est sacrée, le commentaire est libre ». Devenue institution étatique en 1974, la MAP, c’est plus de 60 ans au service de l’information.
La Journée nationale de l’information est une occasion privilégiée pour dresser l’état des lieux de secteur de la presse au Maroc, tout en évaluant la réalité de la profession et en prospectant les perspectives d’avenir. En dépit du progrès réalisé, les professionnels du secteur aspirent toujours à promouvoir une presse nationale libre et responsable à même d’accompagner les défis imposés par les développements sur les scènes nationale et internationale. La réforme escomptée du paysage médiatique vise, entre autres, à édifier des entreprises de presse compétitives.
Pour l’année 2023, le soutien de l’État à la presse s’élève à 245 millions de DH, dont plus de 152 millions sous forme de versement de salaires aux journalistes et au personnel du secteur. Tels sont les chiffres communiqués par Mehdi Bensaid, ministre en charge de la Communication, dans le cadre des discussions autour du projet de loi de finances 2024, au sein du Parlement. On apprend que 127 entreprises médiatiques sont concernées, dont 65 supports écrits et 62 supports électroniques. Plus de 180 entreprises de presse ont bénéficié d’un soutien forfaitaire de plus de 20 millions de DH.
Pour aborder l’état de la presse au Maroc, le cofondateur et dirigeant de Medias24, Naceureddine Elafrit, pose trois postulats de base : Il y a qu’une seule presse qu’elle soit en papier ou numérique. Une presse indépendante et désintéressée est indispensable dans une société moderne. En l’absence d’équilibre économique, aucun journal ne pourra rester indépendant. Selon l’éditorialiste, il faut rétablir les règles du marché, agir sur le modèle économique et rendre le secteur attractif pour les investisseurs.
Le 10ème et dernier congrès de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) a rassemblé un bon nombre de journalistes professionnels, des jeunes et moins jeunes, ceux qui exercent et d’autres à la retraite, quoique dans ce noble métier il n’y a jamais vraiment de retraite. Précarité des journalistes, fragilisation du modèle économique des entreprises de presse, violations de la déontologie et de l’éthique journalistique, image du journaliste dans la société… les enjeux sont de taille.
C’est fait, une commission provisoire remplace, pour une période de deux ans au maximum, le Conseil national de la presse. Comment on en est arrivé là ? Le bureau de l’instance de régulation était incapable d’organiser des élections pour un deuxième mandat, et ce malgré les prolongements accordés par le gouvernement. La création de cette commission provisoire ne fait pas l’unanimité au sein de la profession et de la classe politique.
« L’éditeur professionnel doit pouvoir vivre décemment de la vente de son contenu ou de la valorisation de son support. La chaine de valeur dans le secteur doit être raccourcie au profit de l’éditeur. Trop d’intermédiaires siphonnent la valeur qui est partagée d’une manière inéquitable et non transparente. Ce modèle est à revoir, par la loi, de fond en comble ».
« L’information est en position centrale par rapport à tous les autres facteurs de développement. Les populations informées engendrent -ce qui ne veut pas dire «choisissent»- des leadeurs performants, économisent le temps et l’énergie pour atteindre les mêmes objectifs, indexent systématiquement les réalisations et limitent les risques de retours en arrière, saisissent les opportunités, réussissent mieux que les autres à réduire les inégalités, réduisent les gaspillages d’argent autour d’elles, améliorent la qualité du capital humain et accélèrent le processus d’accumulation des compétences du capital humain ».
«L’État doit rendre aux médias marocains leur marché intérieur, qui est leur marché naturel et qui est pris d’assaut d’une manière déloyale, par des multinationales que l’on connaît bien. À l’avenir, pour que la presse en ligne marocaine se développe, les lecteurs seront de plus en plus appelés à payer ».
L’information avec un grand «I» est un outil puissant. Pour les citoyens, bien s’informer permet de comprendre, analyser, se forger une opinion et prendre des décisions réfléchies. Du côté des gouvernants, la mise à disposition et la communication d’informations claires, transparentes, fiables, utiles et pertinentes relèvent de la bonne gouvernance. Dans cet écosystème informationnel, les médias, en tant que corps intermédiaire entre le public et les différentes institutions, jouent un rôle capital et structurant. Pas n’importe quels médias ! Seuls des médias exerçant un journalisme éthique et professionnel sont en mesure d’assurer une mission de service public. L’apport considérable d’une presse libre au niveau du développement d’un pays n’est plus à démontrer.
Où en est-on au Maroc ? L’Information est-elle réellement perçue comme un gage de bonne gouvernance et un véritable facteur de développement ? Quels jugements portent le public sur la communication publique, les médias publics et privés ? Comment lutter contre la propagation de la désinformation ? Quelles solutions pour sortir le secteur de la presse de sa crise structurelle? Jusqu’où l’Etat va-t-il continuer à subventionner des médias privés ? Pourquoi une telle anarchie dans la presse en ligne ? Quel regard portent les journalistes professionnels, principal maillon de la chaîne informationnelle, sur l’état et l’avenir de leur métier ? De nouveaux modèles économiques… oui mais lesquels ? Quelle place pour le capital privé ? Quels apports des annonceurs ?
Si le monopole de l’État sur le paysage médiatique n’est qu’un vieux souvenir, force est de constater que le plus gros volume de l’information provient toujours des médias publics. La part du secteur privé reste en-deça des standards mondiaux. Cela crée bien évidemment un sacré déséquilibre. Pour le cas de la presse, si l’État n’aurait pas apporté un soutien exceptionnel depuis le crise sanitaire, la casse subie par un secteur très fragile, aurait pu être mortelle. Subventionner… mais jusqu’à quand ? Il est temps de trouver un nouvel modèle médiatique favorisant la pratique d’un journalisme aux meilleurs standards. Le principe est celui d’un journalisme indépendant, mais pas forcément déconnecté des attentes d’un marché en forte évolution. L’enjeu est de trouver le meilleur équilibre entre le marché et les exigences d’ordre civique.
Tout porte à croire qu’on se dirige vers un modèle de soutien étatique à l’investissement. Reste à déterminer les conditions et les modalités. En attendant, il est urgent d’assainir le paysage, revoir la législation, attirer les investissements privés et régler la question délicate de la régulation. C’est à la profession de donner l’exemple. A l’avenir, seul le marché doit faire la différence ! Plus que jamais le Maroc a besoin d’un Nouveau modèle médiatique en phase avec les aspirations du pays aussi bien sur le front interne qu’externe.
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